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mercredi 30 novembre 2016

Un amour de cochon

Quand je suis arrivée à Paris il y a quelques années, l'histoire de la Capitale était omniprésente.
Ainsi, une enseigne, le nom d'un restaurant, d'un bar, vous renseignait sur l'histoire du lieux, de la rue, de la place et du quartier.

Paris bouge, évolue. Les rues s'ouvrent, se ferment, les maisons sont détruites, construites... les lieux de rassemblement changent de noms, ferment ou s'étendent.

Mais on peut dire aussi que Paris est presque un zoo ?!

Je vous avait parlé des éléphants, des crapauds, des singes et de toutes sortes d'animaux, je m'intéresse aujourd'hui à la place d'un animal étrangement introduit dans notre société : le cochon.


Il faut savoir qu'au Moyen-Âge le cochon faisait office d'animal de compagnie.
Hé oui ! Chacun se baladait avec son porcelet dans la rue... enfin presque.
Les porcs circulaient librement, clochette au cou, dans les ruelles du Paris médiéval.

Chaque famille avait son cochon. Celui-ci était tué (le jour du cochon) juste avant la période de grand froid après avoir été bien nourri (à cette époque ils nettoyaient les rues qui étaient de vraies décharges). Ainsi la famille avait de quoi se nourrir pour l'hiver.

Jusqu'en 1131, on pouvait donc voir ces cochons circuler. Mais le 13 Octobre 1131, un de ces cochons, épris de liberté, provoqua un incident sans pareil. Il croisa la route d'un cheval qui prit peur, ce qui fit tomber son cavalier. Le cavalier mourut des suites de sa chute. Le cavalier n'était autre que le Roi de France Philippe de France (fils de Louis VI le Gros).

Depuis ce jour, un édit royal stipule qu'il est interdit de laisser circuler les cochons. Seuls les cochons des antonins purent garder cette liberté.

Il y eu certainement quelques exceptions. Au moins une en tout cas ! Il existe une histoire si saugrenue à propos d'un cochon du 5ème arrondissement, qu'il devint une légende.

Imaginez la Sorbonne un peu moins étendue. Nous remontons deux siècles et nous retrouvons dans la rue des Cordiers. La rue des Cordiers n'existe plus bien sûr, elle a été remplacée en 1892 par un agrandissement de la Sorbonne.


A la fin du Second Empire, la rue était très fréquentée, notamment par des personnalités comme Rousseau et d'autres appartenant à l'extrême gauche.

On dit qu'il y existait une taverne ou un cabaret dans cette rue. Certains disent que le lieu était situé au n°20 de l'actuelle rue Cujas. C'était la Taverne du Cochon Fidèle tenue par le père Armant.
Le nom de cette buvette était inscrit pour rappeler la légende d'un cochon célèbre.

Il existe deux versions à l'origine de l'enseigne mais une seule rentrant dans le domaine de la légende.

La première version est justement cette légende. Il s'agit d'un cochon amoureux.

En effet, quand la rue des Cordiers existait encore, un cochon qui habitait non loin de là avait pris l'habitude de s'y promener.

Un bar venait de s'installer dans la rue des Cordiers. Une demoiselle de comptoir, petite blondinette, yeux clairs, nez retroussé ("tellement retroussé qu'il pouvait y pleuvoir dedans" parait-il). On disait d'elle qu'elle était si jolie que les étudiants en droit et en médecine s'y rendaient uniquement pour la voir...

La nouvelle arrivante avait fait chavirer le coeur du cochon. Celui-ci, passait chaque jour et s'arrêtait devant le troquet. Il passait un temps fou à regarder la demoiselle par la fenêtre depuis la rue.
De temps en temps, le tenancier, touché par cet amour improbable, laissait entrer l'animal qui s'empressait de rester près du comptoir où elle se trouvait. On lui proposait même du sucre ou du pain mais il refusait dignement avant de continuer à gambader près de sa blonde.

Ce cochon était célèbre dans le quartier pour son intelligence hors du commun. Il était si exceptionnel que l'on ne pouvait plus le mettre à mort comme un vulgaire cochon. Il fut alors gracié et élevé par le charcutier du voisinage.

Pendant un an, le cochon rendait des visites à sa belle jusqu'au jour où sa vie changea. Selon les versions, elle ne revint plus jamais ou elle revint mariée. Il ne fallut pas plus d'un mois à notre cochon pour mourir de chagrin.


Selon la deuxième version, l'enseigne était à l'origine d'un tableau accroché à l'intérieur sur lequel figurait un porc buvant de la bière pendant que le maître l'abreuve au banquet.

Ce lieu était un des fiefs de la Bohème. Edgar Monteil et Paul Tailliar s'y rendaient régulièrement. Ils disaient même que c'était "le véritable musée de la Bohème" car l'ensemble des murs étaient peints par Saint-louis Arnould avec des portraits de ses amis Murger, Nerval, Hégésippe Moreau, Musset, Hugo, Sand, Gautier, ...

Pour vous donner une idée de l'atmosphère, Paul Sébillot en a parlé dans ses mémoires :
"Dans la pièce d'entrée sordide, puante et enfumée, trônait Rigolette, la patronne, dont la platine, qui ne redoutait personne, suffisait pour mettre à la raison, les buveurs de toutes catégories, même ceux qu'on n'aime pas à rencontrer le soir dans des endroits isolés".

Je vous laisse choisir la version que vous préférez pour cet endroit "presque" perdu dans les méandres de l'Histoire.

2 commentaires:

  1. Le cochon reste tout une aventure à paris. Pour ne citer que cet exemple : "Pleure pas grosse bête, tu vas chez Noblet !" enseigne d'une charcuterie à Alésia. Porte St Denis : un Saint Antoine et son animal à l'angle du Faubourg. Et pour finir la nuit, au petit matin : Le Pied de cochon !

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  2. Et aussi, dès le 21 janvier 1794, il y eut des banquets républicains pour commémorer la fin de la monarchie absolue de Droit Divin génératrice d’injustices et d’oppressions en tous genres. Le plat principal du menu était à base de têtes de cochons. Vers 1848, au moment de l’instauration de la 2ème République la tête de cochon fut abandonnée au menu des banquets et remplacé par la tête de veau !

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