Translate

mercredi 5 avril 2017

Paris, ville presque sauvage

Quand on se promène du côté du Champs de Mars, il n'est pas rare de voir les fonds de poubelles de la ville éventrés....

Vous vous apercevez assez rapidement que les coupables sont en fait les nombreux corbeaux présents dans les alentours.

Les corbeaux ne sont pas les seuls affamés à venir chercher de quoi manger dans Paris... les mouettes, par exemple, sont de plus en plus nombreuses. Tout d'abord en bord de Seine, il n'est maintenant pas rare de les entendre au petit matin du côté de Montparnasse.

Dans le 13ème, on pourrait se croire dans un épisode du dessin animé "Les animaux du Bois de Quat'sous".


En s'y promenant, on croise des hérissons, des pies bavardes, des mésanges, des chats sauvages, des colverts, des chouettes, ...

Et cela ne correspond pas exclusivement au 13ème arrondissement.

En fait, Paris compte près de 17 000 espèces d'animaux !


Je me souviens de cette rencontre surprenante avec un héron sur les quais de l'Ile Saint-Louis ou encore d'avoir aperçu pour la première fois de ma vie un cormoran sur le Bassin de la Villette. Ce dernier plongeait entre les canards, les cygnes et les mouettes pour y pêcher son repas.

Au-delà de toute cette vie animale, il y en a un dont la présence est surprenante...

Non, je ne parle pas de ce crocodile qui avait été retrouvé dans les égouts ou des nombreux crapauds vendus dans un ancien marché, des éléphants ou encore des cochons, ...

Il y a pourtant un animal sauvage que l'on pourrait être amenés à rencontrer, un animal longtemps chassé de notre capitale originellement boisée.

Je parle de cet animal rusé et malicieux qui fait tant parler les fabulistes et autres conteurs d'histoires... le goupil.


Qui aurait cru qu'un renard roux pouvait habiter en milieu urbain et de surcroît dans une ville comme Paris ?

Après avoir déserté la capitale dans les années 90, il semblerait que celui-ci ait rebroussé chemin...

Le renard roux est revenu parmi nous pour trouver de la nourriture.
Opportuniste, c'est un animal qui est en haut de la chaîne alimentaire, ce qui permet de comprendre que notre capitale n'est pas si désagréable pour tout le monde. Le renard roux y trouve tout ce dont il a besoin pour pouvoir vivre et éventuellement se reproduire.

Xavier Japiot, chargé des espèces sauvages au sein de Paris-Nature, avait expliqué la bonne santé de Paris dans une interview :
" Leur présence est un bio-indicateur, c'est-à-dire qu'ils rendent compte d'une bonne santé dans l'écosystème urbain ".

Paris avait redéfini ses plans, il y a quelques années, dans l'intérêt de l'amélioration de la biodiversité parisienne.

Il semblerait que les efforts de la Mairie de Paris en faveur de l'écologie et de la transformation d'un Paris gris et pollué en Paris vert et respirable, porte ses fruits (voici les prochains projets de notre Mairie pour 2020 disponibles en PDF).


Le renard de Paris, qui pèserait entre 4 et 5 kg, mettrait bas 3 petits les 3 premiers mois de l'année. Un jour nous aurons peut-être le privilège de croiser les renards et leurs renardaux dans les grands parcs parisiens ou les espaces verts.

Ils auraient été aperçus dans le parc des Buttes Chaumont, le jardin du Luxembourg, sur la petite ceinture, dans le bois de Vincennes ...


En 2012, l'Agence d'Ecologie Urbaine de la Ville de Paris avait recensé entre 12 et 15 renards dans toute la capitale.

Nombreux ? 
Pas réellement, surtout si l'on compare avec la capitale britannique qui compte plus de 10 000 renards.
Contrairement à Londres, l'entrée du goupil dans Paris se veut plus difficile étant donné les dangers pour franchir la barrière du périphérique.

Paris est encore loin d'être la sauvage que l'on veut bien prétendre mais tend vers un développement de sa biodiversité et un retour à la nature.


Voici, pour illustrer mes propos, une petite vidéo faite par francetvinfo.


mercredi 29 mars 2017

Une toute petite venelle de Paris qu'il serait dommage d'oublier : le sentier des merisiers

Il paraîtrait que la ruelle la plus étroite serait la rue du chat qui pêche (1,80 m de large)...

Pourtant, en me promenant dans le 12ème arrondissement sur le boulevard Soult, entre deux immeubles, j'aperçois une sorte de passage :


Celui-ci est suffisamment étroit pour que l'on puisse passer à côté et l'ignorer aisément. Cette voie pouvant paraître peut engageante donne néanmoins l'envie de s'aventurer pour découvrir ce qu'il s'y cache...

Cette voie, c'est le Sentier des Merisiers.


Il doit faire au maximum un mètre de largeur avec un passage plus étroit à 87 cm.


Le sentier est apparu à l'époque où Paris ne comptait pas encore ses 20 arrondissement et sa superficie actuelle. En 1857, cet endroit est un lieu-dit situé sur la commune de Saint-Mandé que l'on retrouve sur des cartes de cette période sous le nom de Mézières.

Englouti par Paris lors de l'annexion de 1860, ce sentier est difficilement praticable à plusieurs ou avec des objets (une poussette, une brouette, ...) du fait de son étroitesse et de sa structure en forme de boomerang (le sentier est coudé).


Le sentier des merisiers porte ce nom pour rappeler la présence de ces arbres qui bordaient futin temps ce passage.


Depuis l'extérieur, le sentier paraissait tel une ruelle coupe-gorge jusqu'à l'installation d'un meilleur éclairage dans les années 80... même les riverains l'évitait !


A l'intérieur, le sentier permet de circuler entre les maisons et les jardins.


Au bout, en tournant les yeux sur la gauche, on peut profiter de la magnifique architecture d'une des rares maisons à colombage de la capitale.


Ce quartier est plutôt agréable pour improviser une promenade...


mercredi 22 mars 2017

Il existe un Village Royal en plein coeur de Paris

Non loin de l'agitation qui rythme le 8ème arrondissement et le quartier de la Madeleine, se situent de petites rues et des galeries où le calme et la tranquillité ont été préservés.

Parmi "ces petits coins cachés" entre la Place de la Madeleine et la prestigieuse rue du Faubourg Saint-Honoré, une rue aux allures britanniques : la Cité Berryer que l'on nomme aujourd'hui le Village Royal.


Avant d'être la belle rue aux boutiques luxueuses, elle était, à l'origine un immense terrain vague situé entre la rue Royale et la rue Boissy d'Anglas (à l'époque entre le Chemin du Rempart et la rue de la Magdeleine).
Sur cette parcelle, en bordure, était bâtie une caserne de mousquetaires, ceux qui assuraient la garde du roi Louis XIII.

Le Village Royal fut inauguré en 1746, époque durant laquelle le 8ème arrondissement était devenu "le quartier à la mode".

Nombre de bourgeois habitaient la zone marécageuse environnante. Celle-ci attirant toujours plus de monde et les bourgeois se sentant fatigués par l'attraction grandissante du marais, déménagèrent dans ce quartier nouveau.


Mais ce quartier nouveau était dépourvu de la chose la plus importante : un marché....

Il existait bien le marché du Faubourg Saint Honoré établi non loin de là depuis 1723 entre les rues de Surène, d'Aguesseau et Montalivet mais un homme eut une idée qui révolutionna le quotidien des habitants.

C'est Mol de Lurieux, avocat au Conseil de Paris, qui fit une affaire.
Propriétaire d'un terrain à proximité du village nouveau, il décida de tirer avantage de la situation.
Pour ce faire, il céda son terrain à la condition qu'on lui verse un quart de privilège (une sorte de rente).

On aménagea le terrain afin d'y disposer des étals : 6 pour les bouchers, des baraques de boulangers, de fruitiers et de poissonniers.
Le marché se déplaça en cet endroit et devint le marché d'Aguesseau à partir de 1746.
Il doit son nom à Joseph Antoine d'Aguesseau avocat du roi et conseiller au Parlement de Paris.

"Joseph-Antoine d'Aguesseau, conseiller honoraire au parlement, M. de Champeron et M. de la Vergne furent autorisés en 1723 à établir le marché d'Aguesseau dans un marais situé entre les rues de Surêne et du Faubourg-Saint-Honoré, au-dessus de la rue d'Aguesseau. Des lettres-patentes, datées du camp d'Alost le 16 août 1745, permirent de transférer ce marché à la place qu'il occupe encore, rue de la Madeleine et rue Royale; seulement le terrain vendu à cet effet par l'avocat André Mol de Lurieux ouvrait rue Basse-du-Rempart, en attendant qu'il y eût une rue Royale et qu'elle s'étendît jusque-là.
Sur l'emplacement primitif du marché fut édifié l'hôtel de Choiseul-Meuse, au coin de la rue d'Aguesseau."

(source)

A l'époque, le marché était surtout adossé à la caserne. De nouveaux bâtiments furent construits en 1760 et 1785, formant en leur centre une allée dans laquelle se trouvaient mêlées boutiques en tous genres et marché.


Il fut rénové une première fois en 1837 puis en 1877, date à laquelle il prit le nom de Cité Berryer, nom donné en hommage à un avocat et homme politique.


Les étals sont restés en place longtemps avant d'être déplacés place de la Madeleine.
C'est aujourd'hui un petit marché alimentaire dans lequel il fait bon se promener les matinées du mardi et du vendredi.

La cité Berryer fut rénovée à partir de 1992, et ce, pendant deux ans. Les architectes se sont basés sur les plans initiaux classés aux Archives Nationales, permettant un réaménagement comme à l'origine.
Les bâtisses bordant l'allée, considérées comme Monument Historique depuis 1987, ont été conservées et rénovées.


C'est à ce moment là que le lieu prit son nom actuel : le Village Royal, permettant de mettre au jour un peu plus l'âme prestigieuse qui s'en émane.



A l'intérieur, vous trouverez des boutiques de luxe, des bureaux privés et des habitations. C'est un véritable havre de paix où le calme règne presque en maître à deux pas d'une des plus importantes voies de circulation de la Capitale...



Une dernière petite chose...
En rentrant par l'accès rue Royale, on peut voir une plaque au ton humoristique qui rend hommage à Alphonse Allais qui a vécu au numéro 25 de la voie.

 « Si en 1900 Alphonse Allais a, par erreur, habité
en face : 24 rue Royale, c’est ici que son esprit demeure.
 »


jeudi 16 mars 2017

L'un des plus vieux pont de Paris n'est pas celui qu'on croit...

A l'époque où Paris, ou devrais-je dire Lutèce, était habité par les romains, la société se concentrait essentiellement sur l'Ile de la Cité et une parcelle de la Rive Gauche de la Seine (le quartier de Saint-Michel).
Malgré ce développement au Sud du fleuve, les habitants étaient aussi contraints de se déplacer de l'autre côté de l'île pour le commerce.
C'est ainsi que les premiers ponts de Paris furent construits.

Le premier, le Petit-Pont fut renommé il y a peu, en 2013, Petit-Pont-Cardinal-Lustiger en l'honneur d'un ancien archevêque de Paris. Il fut construit dans le prolongement de l'axe Nord-Sud ou cardo-maximus constituant le squelette de Lutèce (rappelons que les romains construisaient leur cité selon les points cardinaux, en suivant un quadrillage bien précis).

Mais le pont qui m'intéresse, c'est celui qui lui fait face, celui qui permet d'accéder à la Rive Droite.


Le Grand-Pont fut nommé ainsi pour son emplacement. Il est celui qui enjambe le grand bras de la Seine depuis l'Ile. Son histoire est très intéressante et si l'on ne connaissait pas l'histoire de Paris, on ne saurait que ce pont fut l'un des plus importants de notre capitale.

On retrouve la trace de ce pont dans des anciens écrits du moine Abbon relatant le siège de Paris par les Normands en 885-886. Lors de cette attaque, le pont fut presque intégralement détruit.

Pour les besoins du commerce, le Grand Pont fut reconstruit rapidement à l'aide de planches de bois qui furent empilées les unes sur les autres tout en recouvrant les vestiges de l'ancien pont.

Lors des attaques à l'encontre de l'Ile de la Cité, fréquentes à cette période, les habitants prirent l'habitude de retirer les planches jusqu'à la moitié du fleuve vers le marais.
C'est ainsi que le pont changea de nom pour Pont des planches de Milbray.

Il fut emporté par les eaux en 1406 puis reconstruit en 1413 avec du bois. Il devint alors le Pont Notre-Dame et comprenait pas moins de 17 arches !

Rappelons qu'à cette époque, les ponts supportaient non seulement le passage mais également des boutiques et des habitations. De ce fait, la crue de 1497 fut particulièrement meurtrière puisque le pont s'écroula dans la Seine un an plus tard. Les échevins furent condamnés pour négligence.

Après s'être fait emporté par les flots plusieurs fois encore suite aux nombreuses crues, le pont fut reconstruit sous les ordres de l'architecte Giovanni Giocondo en pierre de taille à partir de 1500.
A la fin des travaux en 1512, on comptait sur celui-ci 61 maisons, toutes arborant leur propre enseigne.

" Destruction des maisons sur le pont Notre-Dame en 1786 "
Hubert Robert

Il semblerait qu'au 17ème siècle, se situaient aux extrémités du pont les statues de Louis IX, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV.

Ce siècle fut plutôt compliqué entre les aménagements de Paris voulus par le roi Soleil et la misère persistante. Paris manquait non seulement d'instruction mais également d'eau !

La pompe de la Samaritaine, qui servait à alimenter principalement les résidences royales, ne suffisait plus.
Ainsi, en 1671, 4 ans après sa prise de fonction en tant que lieutenant général de police, chargé de l'état sanitaire, de l'hygiène et du commerce de Paris, Gabriel Nicolas de la Reynie décida d'apporter un peu plus d'eau dans Paris.
Pour ce faire, on souhaita alimenter les fontaines parisiennes avec l'eau de la Seine (les premières fontaines publiques furent installées au 13ème siècle, la plus ancienne encore présente : la Fontaine des Innocents).

Sur l'exemple de la pompe de la Samaritaine, on décida de construire une autre pompe mais cette fois-ce sur le pont Notre-Dame. C'est Daniel Jolly, directeur de la Pompe de la Samaritaine, qui proposa la solution qui sera retenue : construire une machine hydraulique sur le pont Notre-Dame.

La pompe fut installée dès 1676 au milieu du pont sur un moulin à blé.

Suite à l'acceptation du conseil au projet de Jacques Demance, une seconde ne tarda pas à y apparaître également.

Elles furent rassemblées dans un pavillon aujourd'hui disparu. Sa porte dessinée par Pierre Bullet était ornée de deux bas reliefs sculptés par Jean Goujon. Celui-ci, datant d'un autre âge arborait un médaillon de Louis XV déjà existant ainsi qu'une inscription en latin de Santeuil figurant au-dessous.

Pompe Notre-Dame vue sur l'Arche du Diable
(1857)

A elles deux, le volume d'eau avait augmenté de 80 pouces (en sachant qu'un pouce est équivalent à 13 litres d'eau soit 672 pouces cube, on peut dire que pour l'époque, les pompes devaient être considérées comme de véritables prouesses techniques).

Afin d'être plus clair, les deux machines assuraient le fonctionnement de 25 puis 29 fontaines environnantes (dont la Fontaine Trogneux que j'avais évoqué dans un précédent article).

Les pompes furent réparées en 1678, en 1708 puis en 1795. Elles furent conservées malgré les rénovations du pont avant de tomber définitivement en panne en 1786 pour l'une et détruite en 1858 pour l'autre.


Le nouveau pont qui fut construit en 1853 était trop bas. Sa faible hauteur provoqua un nombre considérable d'accident fluviaux, ce qui lui valut le sobriquet de pont du Diable.

Le pont actuel fut inauguré en 1919 sous la présidence de Raymond Poincaré. Les fondations du pont, datant de 1500 furent étudiées et conservées. Les deux arches extérieures datant de 1853 (époque Haussmannienne) furent conservées mais élargies et consolidées et l'on démolit les trois arches centrales au profit d'une seule en acier.

Pour rétablir un peu la justice on dit que le Pont-Neuf est le pont le plus vieux de Paris. Oui, c'est le plus vieux pont de Paris construit sans habitation mais le plus vieux doit sans doute être le Petit-Pont, celui qui fait écho au Pont Notre-Dame de l'autre côté de l'Ile.


jeudi 2 mars 2017

Un immeuble, deux fonctions

En me promenant, mon oeil est attiré par la couleur inhabituelle d'un bâtiment aux briques rouges.

La grisaille du paysage ordinaire parisien venant s'interrompre à cet instant, je lève mes yeux sur le numéro 17 de la rue du Faubourg-Poissonnière.


J'aperçois des détails assez remarquables, comme cette entrée monumentale qui invite les passants à rentrer dans l'édifice.


N'ayant pas affaire à un bâtiment public, je reste à l'entrée et observe de plus près le porche.


Il est composé d'une coupole en pavé de verre, entourée d'une mosaïque bleue et jaune, dont les motifs sont rappelés en façade.


L'avant du bâtiment est composé de hautes fenêtres jonchées de grilles en fer forgé par un certain Szabo.



Le sculpteur et ferronnier a d'ailleurs disposé une magnifique horloge en façade reprenant les 12 signes du zodiaque installés à la place de la numérotation sur son cadran.



En tournant sur la droite, on peut y voir une façade bien différente avec de hautes fenêtres vitrées qui rappelle l'aspect fonctionnel du lieu.


En effet, la bâtisse en béton armé, conçue par Monsieur Le Coeur François, a en fait deux fonctions : celles d'être un Central Téléphonique et un immeuble de bureaux.

Il a souhaité marquer cette différence en construisant deux façades avec des allures distinctes rappelant le sérieux et l'organisation propre à chaque secteur.

La partie administrative, dont l'entrée appelle à s'introduire, contient des bureaux sur 6 étages (rue du Faubourg-Poissonnière).
Le travail qui s'effectue dans cette partie du bâtiment est directement lié à la fonction du Central Téléphonique. Celui-ci a répartit ses services sur 3 étages de 600 m2 et détient une façade plus stricte (rue Bergère) que celle de ses bureaux .


jeudi 23 février 2017

Les décrottoirs, encore un témoignage des us et coutumes de notre histoire

Flâner dans Paris est toujours une bonne habitude.

Flâner, rappelons-le, signifie marcher sans but, se laisser porter au gré du hasard, par ses pas juste pour le plaisir de regarder.
Autrement dit "courir ça et là", "agir sans se hâter", "perdre son temps", selon la définition faite en 1986 par l'Académie Française...

Pourtant, je trouve que flâner permet d'en apprendre bien plus que ce que l'on pense. S'il y a apprentissage, c'est qu'il n'y a donc pas de perte de temps, n'est-ce pas ?

C'est en me promenant dans les rues de Paris que je me suis arrêtée un jour devant ceci.


Faisant parti du paysage, je n'y avais guère fait attention, avant l'autre jour, où j'ai vu un homme s'en servir. Après avoir marché dans une crotte de chien, je le vois racler ses chaussures sur cette barre de fer... et ça tombe plutôt bien puisque cette chose, disposée encore à l'entrée de certains immeubles, se nomme un décrottoir.

Remplacé il y a quelques temps maintenant par nos paillassons, le décrottoir avait toute son utilité dans le Paris d'antan.

A une époque lointaine, Paris n'était que chemins boueux, marécageux... On s'y promenait en calèche, à cheval, à pieds circulant ainsi entre les crottins, la boue, les ordures et les eaux usées.

Il semblerait que ces décrottoirs soient nés en même temps que les trottoirs, c'est-à-dire vers la fin du XVIIIe siècle.

Le premier trottoir de Paris fut installé en 1781 dans la rue de l'Odéon.

Au fil du temps, les trottoirs furent usités plus fréquemment, ce qui rendit nécessaire leur construction un peu partout. Ceux-ci ressemblaient d'ailleurs plus à des seuils de porte qu'à nos larges trottoirs d'aujourd'hui.

Afin de garder les trottoirs un peu plus propres et surtout pouvoir rentrer dans les immeubles sans mettre de la boue partout, on se décrottait les chaussures avec ces merveilles (c'était même inscrit dans d'anciens manuels d'éducation pour enfants) :


Pourtant vers 1835, le choléra fait rage... l'urgence sanitaire fait que la ville doit mettre en place des moyens importants pour assainir ses rues.

Les fossés sont remplacés par des fosses sceptiques qui sont elles-mêmes vidangées de plus en plus régulièrement (on amenait le tout dans des décharges éloignées de la ville comme à Montfaucon, vers l'actuelle place du Colonel Fabien par exemple, qui n'était pas encore rattrapée et engloutie par la Capitale).
Les pavés apparaissent petit à petit, les moyens de transport changent, les crottins disparaissent ainsi que la boue,...

Les décrottoirs deviennent de plus en plus inutiles et occupent aujourd'hui une place de figuration.

D'ailleurs, j'ai retrouvé un extrait relatant les législations concernant les décrottoirs (en bas de la page 683) dans le Dictionnaire Historique de Paris paru en 1828.


Et plus tard, quand le décrottoir n'eût plus d'utilité, naquit la coutume du paillasson.

Ces décrottoirs, vous n'en trouvez pas qu'à Paris, comme en témoigne cette page internet relatant les décrottoirs d'Aix-En-Provence ou encore celle-ci qui en recense quelques uns un peu partout en France.


Le Bonus du jour :

Comme en témoigne une exposition belge de clichés photographiques de Christophe Hollemans sur le sujet, l'instrument jouissait d'un si grand succès qu'ils prirent d'innombrables formes et furent conçut dans des matériaux eux aussi tout aussi variés.

vendredi 17 février 2017

Barbès et ses trésors d'Histoire : les Grands Magasins Dufayel

Je voudrais vous parler d'un endroit situé entre les deux quartiers les plus dévastés de Paris.

Cet endroit ne ressemble à aucun autre, c'est un des derniers quartiers résistants du Paris populaire jusqu'à il y a peu de temps.

Je voudrais vous parler du boulevard Barbès situé au Centre-Nord de la Capitale.


Il est le boulevard au centre du XVIIIème arrondissement, entre le quartier de la Goutte d'Or et celui de Clignancourt (où il se situe dans sa majeure partie). C'est celui qui mène tout droit vers la Porte de Clignancourt et son marché et le département de la Seine Saint-Denis à Saint-Ouen où se trouve également le marché aux Puces.


Longtemps, ce quartier à jouit d'une très mauvaise réputation allant jusqu'à faire parler nos politiciens dont Jacques Chirac qui, après une visite en 1991, expliqua lors d'un dîner-débat du RPR, que dans ce quartier il y avait "le bruit et l'odeur"....

Le quartier longtemps rejeté par beaucoup de parisiens fut, il y a peu de temps, sujet à débats. Avec les nouveaux projets de rénovation de la Mairie de Paris, le quartier a subit nombre de destructions d'immeubles, qui, il est vrai, étaient dans un état de vétusté que nul ne pouvait ignorer. Ainsi, au coin des Boulevards Barbès et Rochechouart, furent reconstruits des bâtiments dont un qui causa la polémique. Une brasserie installée juste en face de la fameuse enseigne Tati.


Ici, une circulation bouchée accompagnée d'une symphonie de klaxons des plus insupportables, causant des incivilités entre les scooters, les vélos, les voitures et les transports publics qui aurait put justifier le ballet des policiers essayant de rétablir l'ordre dans la circulation. Les piétons extrêmement nombreux, tenant à peine sur les trottoirs, les conduisaient à faire preuve d'indiscipline... vu de l'extérieur, on aurait pu parler de ce carrefour comme d'une jungle.

L'habitude était aux marchés contenant mille et unes saveurs et un panel indéfinissable composé de milliers de couleurs. Les cafés étaient peu chers (les moins chers de la capitale) jusqu'à ce que s'installe une brasserie de quatre étages, flambant neuve avec des prix moins attractifs que ceux connus dans le quartier jusqu'alors.

Sa présence fit des émules et l'on commença à crier que Paris se gentrifiait et qu'il était déjà trop tard.

Paris est une ville qui connait la gentrification depuis sa naissance. De tous temps la ville s'est modifiée, a changé aux détriments des plus modestes, c'est un fait.

Pourtant, il parait que Paris reprend toujours ce qu'elle donne.

Le quartier n'a pas toujours été ainsi.

Il y a moins de deux siècles, Montmartre n'est que maquis, moulins et abris de fortunes.

Le projet est d'agrandir Paris. En 1844, Montmartre fait toujours partie de la banlieue de Paris, c'est la Commune de Montmartre, installée sur toute la Butte jusqu'à Pigalle ou plus bas (c'est selon chaque historien). Le versant Est de la Butte se transforme, on y construit des ruelles qui seront larges de 12 mètres au maximum.

Suite au décret du 9 Février 1859, Napoléon III agrandit les limites de Paris définies en 1860.

La première partie du boulevard Barbès vit le jour en 1863, c'était le plus large du quartier : 30 mètres.
Il s'étendit petit à petit dans le cadre des travaux d'Haussmann, portant ainsi le nom de boulevard Ornano puis celui de Barbès à partir de 1892 en l'honneur d'Armand Barbès, politicien français.

C'est un quartier en pleine expansion qui voit le tout Paris s'y précipiter...

Hé oui !

Pour connaître l'origine de cette fréquentation, il faut remonter en 1856.


Je vous avais parlé de la naissance d'un véritable temple de la mode sur la Rive Gauche... La Rive Droite ne fut pas en reste non plus.
Le succès du quartier, ses habitants d'un Paris révolu, le doivent à un certain Jean-François Crespin.

En 1856, il ouvre le "Palais des Nouveautés".


A son décès en 1888, le magasin connaissait déjà un franc succès, un de ses employés, Monsieur Georges Dufayel, reprit sa direction avec la ferme intention de l'agrandir.

C'est la naissance des Grands Magasins Dufayel, un magasin qui vise les classes populaires (les plus nombreuses à cette époque dans la Capitale).


Il ne tarda pas à aménager un théâtre, un cinématographe, une piste cyclable et même un jardin d'Hiver dans lequel les clients et les badauds se précipitaient pour se promener au milieu des plantes exotiques.


Il instaura un système d'achat nouveau : les clients achèterons désormais à crédit.
A la fin de chaque mois, il chargeait des encaisseurs de se déplacer aux domiciles des clients pour récupérer son dût. Pour ses clients les plus importants, il lui arrivait même de se rendre en personne à leurs domiciles.

Le théâtre eut son importance. Un orchestre classique s'y représentait.
Dans cet orchestre ? Des artistes de l'Opéra.
Le lieux gagnait en prestige.


A partir de 1900, lors des soirs de spectacles, on pouvait observer une lumière électrique émanant de la somptueuse entrée monumentale qui se trouvait au numéro 26 de la rue de Clignancourt. La lumière projeté dans le ciel était si puissante qu'elle était visible au dessus des toits de la ville.


Les bâtiments s'agrandirent jusqu'à occuper la totalité de l'îlot.
Ils furent édifiés par les architectes Le Bègue (Père  Fils) et Gustave Rives.


On doit le magnifique fronton de l'entrée principale à Jules Dalou et Alexandre Falguière.



En 1910, Dufayel décide de la construction de deux dômes situés aux angles des rues Sofia et Christiani, encore visibles aujourd'hui depuis le boulevard Barbès.


Le succès grandit encore... Les Grands Magasins Dufayel se prétendaient être les plus grands du monde. Ils comptaient environ 15 000 employés et pas moins de 400 succursales.

Pourtant, Dufayel ayant une vie assez agitée, décida de mettre fin à ses jours en 1916.

Le déclin gagna progressivement l'enseigne jusqu'à provoquer sa fermeture définitive en 1930.


Lors de la Libération, la BNP racheta l'essentiel des lieux. Le dôme principal fut détruit.
C'est en 1990 qu'une partie des bâtiments fut cédée pour être réhabilitée en logements mis à disposition en 2002. La BNP est toujours là, les logements aussi, on y trouve également l'enseigne Gibert Joseph et quelques troquets.

Ce quartier est un de ceux qui a le plus souffert mais il est en constante évolution, c'est un des plus vivants et vibrants de la Capitale.
Croyez moi, des trésors de toutes les époques confondues s'y cachent.